“ Qu’est-ce qu’on m’avait raconté, déjà ? Ah oui.
Que j’allais souffrir. Que si je lui tenais tête, il m’écraserait. Qu’il n’arrêtait pas de donner des leçons à tout le monde. Qu’il professait des idées insensées. Qu’il pratiquait des gestes dangereux et totalement irréfléchis. Qu’il prenait des risques et en faisait prendre aux malades. Bref : qu’il ne se prenait pas pour de la merde, mais qu’il emmerdait le monde.
Dans les couloirs du CHU, on le surnommait Barbe-Bleue. […] Je n’avais qu’une hâte, c’était de retourner au bloc. Là, au moins, les femmes ne crient pas, elles ne posent pas de questions, elles veulent seulement qu’on règle le problème. […] Alors le Dr Franz Karma, praticien-chef en charge de l’unité 77, ses nanas et ses états d’âme, j’en avais vraiment rien à battre.”

“ Je l’ai trouvée comme ça.
C’était vendredi soir. Enfin plutôt samedi matin très tôt, vu l’heure. Je rentrais de soirée, et je me rappelle que j’étais encore passablement énervé. Des potes, qui avaient ramené des potes, qui avaient ramené des potes. Bref, bien trop de gens entassés dans un appart pour une même soirée. […]
Elle, ça doit faire environ un an qu’elle a emménagé dans l’immeuble. On se connaissait pas vraiment. Un « bonjour » poli en se croisant avec nos courses et nos sacs poubelles, mais pas grand-chose de plus. Pas le genre de meuf chiante. […] Ouais, donc ce soir-là, je rentre plus saoulé qu’alcoolisé. Et je la trouve là, assise sur le pas de ma porte. Enfin assise… affalée, plutôt.
« Bonsoir ! »
Elle lève les yeux vers moi.
« ‘Soir…
– Ça va ? »
Question con. Elle a franchement pas la tête de quelqu’un qui va bien.”

“ Entre Le Roi portant un bébé dans ses bras, suivi par les trois fées.
Le Roi : Mes chers sujets… (Un garde lui glisse quelques mots à l’oreille.) Ah bon ? On peut plus dire ça maintenant ? Compatriotes, ça passe mieux ? Okay, alors, mes chers compatriotes ! […]
 Les gardes montrent un panneau marqué « Applaudir ».
Le Roi : Vous n’êtes pas sans savoir que sa Majesté la Reine et ma Majesté moi-même, durant de longues années, avons vécu dans la désolation de n’avoir pas de descendance pour le Royaume. Mais un beau jour où la Reine était au bain, une grenouille sauta dans l’eau et lui parla en ces mots : « Avant que l’année ne s’achève, ton vœu sera exaucé et tu mettras au monde un héritier. » Et ce que la grenouille prédit, arriva… […] Une fille ! (Comme pour lui-même.) Ne faites jamais confiance à une grenouille…”

“ Il était le héros de ce film là, et il venait de voir défiler le générique. Il avait été court, car il n’y avait que deux acteurs principaux. […] Quant aux figurants… qui donc prenait la peine de se soucier d’eux ?
La musique s’arrêta. […] Il était le héros de ce foutu drame et il allait savoir ce qui se tramait après le film. Une fois démaquillé, le comédien rentre chez lui, mais le héros part pour son road-trip, seul, peinard, débarrassé de toute hypocrisie et de tout autre crétin sans importance.
Juste la route et lui.
Il s’offre le luxe des clichés. La station service. Le café dégueu servi par une fille sans âge qui appelle tout le monde « mon chou ». Le téléphone qui vibre dans le vide, posé sur le comptoir. […] Dix-sept appels en absence.”

“ L’âme et l’ancolie,
Doux poisons mortels,
La mélancolie
Poignante et cruelle…”